Bonjour Hervé, comment votre parcours personnel vous a-t-il conduit à co-fonder La Maison d'Echo, et qu'est-ce qui vous passionne particulièrement dans l'artisanat des minorités ethniques de Chine ?
Durant mes 25 années de vie professionnelle en Chine, j'ai eu la chance de rencontrer Echo, qui est devenue ma femme. Echo est originaire du Yunnan, la province la plus au sud de la Chine, en bordure du Tibet, de la Birmanie, du Laos et du Vietnam. Une trentaine de minorités ethniques vivent au Yunnan, telles que les Miao, les Bai, les Naxi ou les Hani et Echo me les a fait découvrir en me transmettant sa passion pour leur culture traditionnelle qu'ils s'efforcent de conserver. Au cours de nos pérégrinations dans les montagnes et forêts qu'ils habitent dans des villages souvent isolés, nous avons aussi découvert la richesse de leur artisanat et avons conçu l'idée de contribuer à leur conservation, et avons ainsi créé la Maison D'Echo pour les faire connaître en France.
Avec la modernisation et l'urbanisation rapides en Chine, quelles sont les principales menaces auxquelles font face les arts traditionnels des minorités ethniques, et comment La Maison d'Echo travaille-t-elle pour les surmonter ?
Le développement très rapide de la Chine a des effets bénéfiques certains pour ces minorités en les faisant sortir de l'isolement et en permettant aux enfants d'aller à l'école, particulièrement les filles qui en étaient souvent privées, et aux adultes de trouver du travail et le confort de la modernisation. En revanche, cela entraîne la migration des jeunes adultes vers les villes industrielles des régions plus avancées, en délaissant leurs traditions et leurs artisanats et souvent en abandonnant les enfants dans les villages sous la garde des grand-parents. La construction de routes, autoroutes et TGV les sortent de leur isolement mais aussi permettent l'arrivée du tourisme de masse tendant à folkloriser leur mode de vie, leurs village et leurs traditions. Dans un tel contexte, le rôle de La Maison D'Echo est bien modeste mais s'attache à travailler directement avec les artisans des villages, sans intermédiaire, afin de s'assurer qu'ils bénéficient totalement de la vente de leur artisanat, les encourageant à le maintenir, voire à le développer en coopérant au développement de nouveaux produits basés sur leur savoir-faire ancestral.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous parvenez à équilibrer authenticité culturelle et design contemporain dans les produits de La Maison d'Echo, tout en respectant la sensibilité culturelle ?
Les écueils d'une telle coopération sont bien connus, ils consistent principalement dans la folklorisation de leur artisanat et à une certaine acculturation en subissant la standardisation et la concurrence de productions industrielle à bas coût. il est donc important, d'une part, de mettre en valeur le savoir-faire traditionnel, c'est à dire de conserver l'art du fait-main, l'utilisation de produits, de matériaux et de colorants naturels, et, d'autre part, de faire appel à leurs références culturelles tout en les modernisant. Un peu comme les marques de luxe françaises créent de nouveaux produits tout en conservant les savoir-faire apparus au XVIIIe siècle. A vrai dire, souvent ces artisans ne nous ont pas attendus. Par exemple, nous travaillons avec une jeune femme de l'ethnie Bai qui a suivi des études de design et qui elle-même utilise les techniques du batik à l'indigo naturel, que son peuple aurait inventé il y a deux mille ans, pour concevoir des foulards, des nappes ou d'autres textiles au design moderne mais dont le dessin rappelle la représentation des thèmes légendaires et traditionnels de ce peuple, comme certaines fleurs ou animaux symboliques, tels les paons ou les papillons.
Quel rôle jouerait, selon vous, la sensibilisation du public européen pour soutenir et préserver l'artisanat traditionnel chinois, et comment La Maison d'Echo contribue-t-elle à cette sensibilisation ?
De même que le luxe à la française a conquis les peuples asiatiques, particulièrement les Chinois et les Japonais, contribuant ainsi à la survie et le développement des ateliers français, nous pensons que le public européen, particulièrement sensible aux arts traditionnels et à l'histoire des civilisations proches ou lointaines, peut jouer un rôle considérable dans la prise de conscience de l'intérêt de préserver l'artisanat traditionnel des minorités ethniques de ces régions. Le respect qu'éprouvent les Européens en général pour ces civilisations peut être un gage de la préservation de leur authenticité.
En matière de développement durable et de pratiques de commerce équitable, comment vous assurez-vous que les artisans locaux bénéficient directement de leur travail, sans l'interférence d'intermédiaires ?
Comme nous l'avons précisé plus haut, nous travaillons directement avec les artisans sans intermédiaire. Nous allons fréquemment sur place, dans les villes et villages, parfois éloignés et difficilement accessibles, et rétribuons directement les artisans de leur travail. Nous importons également nous-mêmes les produits. Nous sommes aussi attentifs aux matériaux utilisés, tels le chanvre produit localement à la place de lin importé, et à l'usage de colorants naturels, issus de végétaux, comme l'indigo, ou de fleurs, voire d'écorces d'arbres pour le papier traditionnel.
Comment percevez-vous l'évolution de la demande pour les objets artisanaux ethniques en Europe, et quels sont vos objectifs pour l'expansion de La Maison d'Echo dans ce contexte ?
Nous pensons que les Européens en général et les Français en particulier sont soucieux, face à la standardisation de produits industriels sans âme, de la préservation d'objets authentiques. Si l'on veut perpétuer un artisanat authentique dans un contexte de commerce équitable, il serait illusoire d'imaginer un développement tout azimut, à grande échelle. A partir de notre expérience locale, acquise depuis notre première boutique qui était située dans le village médiéval du Castellet, dans le Var, et maintenant de notre boutique à Aix-en-Provence, en s'appuyant sur notre site internet et notre communication sur les réseaux sociaux, Facebook et Instagram, qui bénéficient d'une audience significative, nous espérons graduellement accroître notre présence, physiquement et dans les médias.
Quelles initiatives envisagez-vous de mettre en œuvre pour renforcer l'expérience en magasin physique à Aix-en-Provence et pour engager davantage la communauté en ligne autour de votre entreprise ?
Nous avons de nombreux projets pour faire mieux connaître la culture de ces minorités ethniques et leur artisanat à travers la présence physique et en ligne de La Maison D'Echo. Nous avons déjà eu l'occasion de donner des conférences sur ces minorités ethniques et d'exposer nos collections particulières d'objets anciens et traditionnels. Nous souhaitons développer cet aspect au travers de l'événementiel, en propre ou en coopération, et réfléchissons également à mettre en place un espace muséal pour une exposition permanente. Peut-être pourrions-nous solliciter associations et autorités culturelles locales qui pourraient être intéressées par de l'événementiel en coopération bilatérale avec des autorités et organismes locaux en Chine. Echo et moi-même avons l'expérience de la mise en place de telles coopérations entre des villes du Yunnan et d'autres villes françaises au travers d'opérations de jumelages franco-chinois, mariant les traditions des deux côtés et organisant des échanges croisés. Bien entendu, nous allons poursuivre nos efforts sur les réseaux sociaux et internet pour créer des communautés rassemblant le public partageant cette passion.
Pour plus d'informations : https://www.lamaisondecho.fr/fr/